Notre-Dame-des-Landes : les dessous d’un rapport sur-médiatisé

Les faits

« Notre-Dame-des-Landes : Edouard Philippe est-il en train de vendre le réaménagement de l’actuel aéroport ? » (LCI), « Vers un abandon de Notre-Dame-des-Landes? » (BFM TV), « Notre-Dame-des-Landes : la porte ouverte au réaménagement de l’actuel aéroport » (Le Figaro). « Là où, jusqu’à présent, le raisonnement était de savoir si on faisait Notre-Dame-des-Landes ou rien, le rapport propose deux solutions : la construction de Notre-Dame-des-Landes ou le réaménagement de l’aéroport de Nantes Atlantique » (Edouard Philippe). Le rapport de la mission sur le transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes a été largement commenté. Il en ressort que le gouvernement a désormais le choix entre deux options : construire un nouvel aéroport ou réaménager l’ancien.

On a beaucoup entendu aussi de la part des médiateurs et du gouvernement que le coût du réaménagement de Nantes Atlantique serait moins élevé que son transfert, que son empreinte carbone serait bien meilleure, que la fermeture provisoire de l’aéroport pour les travaux ne serait « que » de 9 semaines… Bref, on a entendu beaucoup de choses autour de ce plan B tombé du ciel.

Décryptage

En réalité, non seulement le plan B que serait le réaménagement n’est pas nouveau mais il n’existe pas. Si le projet de Notre-Dame-des-Landes est né, c’est pour répondre à un problème : l’aéroport de Nantes Atlantique est en plein développement et ne pourra pas être agrandi car il est niché au cœur de l’agglomération nantaise. Et il jouxte une zone Natura 2000, ce qui rend impossible son développement.

C’est une évidence, mais avant de penser à construire un nouvel aéroport, on commence par se demander si on ne peut pas aménager et agrandir l’actuel. Voilà pourquoi ce plan B est une invention. C’est le fruit d’un habile artifice de communication. Les 500 000 électeurs de Loire-Atlantique qui ont voté à 55% en faveur du transfert se sont d’ailleurs exprimés non seulement pour Notre-Dame-des-Landes mais aussi contre le réaménagement. Car cette option était au cœur du référendum. Il suffit pour cela de consulter les documents publiés à l’époque. La commission en charge de l’organisation avait rédigé une synthèse des arguments pour éclairer le choix des électeurs : 6 arguments pour le transfert et 6 arguments contre. Et parmi ces derniers, le premier portait précisément sur le réaménagement de Nantes Atlantique, cette soi-disant option nouvelle présentée depuis 8 jours (et ce matin encore par Edouard Philippe sur RTL) comme une alternative.

Quant aux autres arguments en faveur du réaménagement de Nantes Atlantique, ils ne résistent pas longtemps à leur examen. Le coût de ce réaménagement serait d’environ 500 millions d’euros, soit 200 millions d’euros de moins que le transfert à Notre-Dame-des-Landes. Outre qu’il est difficile de comparer deux choses qui ne sont pas comparables (l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes aura 2 pistes contre une seule à Nantes Atlantique, ce qui lui permettra d’être adapté aux besoins après 2040), ce chiffrage ne prend pas en compte les indemnités de rupture de contrat avec le concessionnaire du nouvel aéroport (Vinci), ni avec les compagnies aériennes qui versent une taxe pour son financement, ni avec les collectivités (et donc le contribuable) qui sont elles aussi engagées dans le projet de Notre-Dame-des-Landes. Le coût du réaménagement de Nantes Atlantique serait plutôt de l’ordre de 850 à 900 millions d’euros, soit bien plus que le budget du transfert. Et il faut ensuite analyser ces coûts. Pour Notre-Dame-des-Landes, c’est clair : le financement public est de 245 millions d’euros. Le reste est financé par le privé, donc par les voyageurs. Et ces 245 millions d’euros sont une avance remboursable. En clair, une fois l’aéroport en fonction, cette somme sera progressivement remboursée à l’Etat et aux collectivités. La construction de Notre-Dame-des-Landes ne coûtera donc rien au contribuable. En revanche, la facture pour lui risque d’être salée avec le réaménagement de Nantes Atlantique. Les médiateurs sont d’ailleurs restés étrangement silencieux sur le plan de financement de ce plan B tiré du chapeau.

Le vrai débat

Car le gouvernement est au pied du mur. Emmanuel Macron s’est déclaré favorable à Notre-Dame-des-Landes pendant la campagne. Edouard Philippe aussi. Et même Nicolas Hulot avait eu l’honnêteté de s’incliner au lendemain du référendum du 26 juin 2016. Pour celui qui n’était pas encore ministre de l’écologie, il était important de faire appliquer le « OUI » au nouvel aéroport qui était sorti des urnes à plus de 55%.

Alors pourquoi tergiverser ? Tout simplement parce qu’il y a une Zone d’Aménagement Différé » qui est devenu une « Zone A Défendre », c’est-à-dire une zone de non-droit où les occupants illégaux imposent leurs règles. Et les gouvernements successifs ont tous eu peur de procéder à l’évacuation en assumant le risque d’un bilan humain important, aussi bien du côté des forces de l’ordre que des zadistes. Le niveau de radicalité et d’extrémisme est tel qu’il s’agit tout simplement d’une guerre civile.

Parlons clair

Alors, osons regarder la réalité en face. Le transfert de l’aéroport de Nantes Atlantique à Notre-Dame-des-Landes n’a de sens, depuis des années, que parce qu’il répond à un besoin que l’actuel aéroport ne peut assurer, même avec des travaux d’agrandissement. Tout le monde le sait. Dans ce dossier qui empoisonne les gouvernements les uns après les autres, le seul problème est celui de la ZAD. Tout le monde sait bien que si ces zadistes n’étaient pas présents, Notre-Dame-des-Landes ne ferait pas débat. Tout le monde se féliciterait de ce nouvel aéroport ultra moderne et certifié HQE (Haute Qualité Environnementale) capable de conjuguer développement économique responsable et environnement. Le développement durable en acte, tout simplement.

Le rapport des médiateurs ne constitue donc pas un élément majeur et déterminant dans une décision, attendue d’ici fin janvier, qui sera essentiellement politique. Les collectivités locales impliquées dans le transfert l’ont bien compris. Elles ont d’ailleurs écrit au Président de la République pour souligner les erreurs et omissions du rapport en lui demandant de procéder aux corrections qui s’imposent en vue de la prise de décision finale.

Emmanuel Macron doit répondre présent à ce rendez-vous. Ce sera un signal important pour l’avenir durable et la croissance responsable que tout le monde appelle de ses vœux. En osant faire évacuer la ZAD, le Président de la République sait qu’il pourra compter sur le soutien de l’opinion. Un récent sondage Ifop indique que 6 Français sur 10 sont favorables au recours aux forces de l’ordre pour faire évacuer la ZAD. Dans le cas contraire, en capitulant devant 200 zadistes aussi dangereux que déterminés et jusqu’au boutistes, il manquerait une occasion d’assoir son autorité et celle de l’Etat.

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