30km/h à Paris : un pas en avant ou trois pas en arrière ?

Élargissement des trottoirs, réduction drastique des places de stationnement, création de couloirs de bus, développement de voies cyclables, parfois même à contresens de la circulation, priorité systématique laissée aux piétons et cyclistes sur les véhicules motorisés : à Paris, les ingrédients d’une restriction généralisée de l’usage automobile ne datent pas d’aujourd’hui.

Et ce n’est pas terminé puisque la capitale n’est désormais qu’une vaste « zone 30 » à l’exception du périphérique (toujours à 70km/h), des boulevards des Maréchaux et de quelques autres axes. La justification, donnée le 8 juillet dernier par David Belliard, adjoint aux transports et à la voirie d’Anne Hidalgo, semble claire : « Pour la sécurité des piétons et des cyclistes, pour diminuer le bruit lié à la circulation automobile, le 30 août, Paris passe à 30 ».

Une fausse bonne idée. Vraiment ?

D’après une étude du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) sur la base d’une expérimentation à Grenoble depuis 2016, la généralisation du 30 km/h en ville réduit de 24 % le nombre d’accidents impliquant un piéton et de 31% ceux qui impliquent un deux-roues motorisé. Cette mesure n’aurait, en revanche, pas d’impacts sur le nombre d’accidents impliquant un véhicule motorisé léger ou des vélos.

Par rapport aux nuisances sonores évoquées par David Belliard, le « Guide du bruit des transports terrestres » publié par le Certu (auquel a succédé le Cerema) estime qu’une diminution de 3,4 décibels peut être observée sur un revêtement standard, lors de l’implantation d’une zone 30. Cela correspond à une division par deux du volume sonore. Mais l’ADEME nuance cet effet car « pour des faibles vitesses de circulation, différents éléments peuvent apparaître comme générateurs du bruit routier : aménagement, revêtements de chaussées, débit élevé et nature du trafic… ». Autant dire qu’à Paris, les conditions sont loin d’être réunies : il y est, en effet, impossible de rouler en continu, sans avoir besoin de freiner ou accélérer, ce qui laisse penser que la diminution des nuisances sonores a peu de chances d’être significative.

« Plus on roule lentement plus on pollue »

Sur la pollution de l’air les avis sont également mitigés. Il semblerait, toujours d’après le Cerema, qu’on pollue à 30 km/h nettement plus qu’à 50 km/h. Pour un véhicule particulier à moteur thermique les émissions de GES sont minimales pour des vitesses proches de 70 km/h, tandis que, pour un véhicule utilitaire (< 3,5 t), elles le sont aux alentours de 60 km/h. « Plus on roule lentement plus on pollue » conclut Tony Renucci, directeur général de l’association Respire.

Quid de la mobilité « verte » ? Le Cerema table sur son développement à Paris au fil des trois prochaines décennies, mais il rappelle prudemment qu’il est important d’analyser le cycle de vie complet des véhicules dits « verts », en particulier celui des batteries pour l’électrique ou encore l’utilisation de l’hydrogène « vert ».

Enfin, pour Thomas Morales, journaliste au Figaro, cette décision est antisociale car elle ne prend pas en compte les difficultés qu’elle engendre pour les banlieusards. Cette mesure phare, portée par Anne Hidalgo, ressemble davantage, selon lui, à une punition pour les travailleurs qu’à une réforme efficace pour un Paris plus propre. Un décalage avec la réalité d’autant plus grand que le hashtag #ParisSaccage continue de circuler sur les réseaux sociaux.

 

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