80 km/h : le gouvernement fait fausse route
Les faits
Depuis le 1er juillet 2018, la limite maximale de vitesse est passée de 90 à 80 km/h sur le réseau routier secondaire en France. L’objectif du gouvernement français est de faire diminuer fortement la mortalité sur les routes et les accidents. Impopulaire, la mesure est contestée par plusieurs associations d’automobilistes, ne fait pas l’unanimité au sein du gouvernement et n’a pas convaincu les élus locaux…
Décryptage
En 2017, 3 448 personnes ont perdu la vie dans un accident de la route en France métropolitaine. La mortalité routière est donc en légère baisse (-0,8%) par rapport à 2016, après deux années d’augmentation, en 2014 (+3,5%) et en 2015 (+2,3%) et une stabilisation en 2016 (+0,46%), mais elle reste une préoccupation importante des autorités françaises. Et pour cause, les accidents corporels (plus de 61 000), les blessés hospitalisés (plus de 29 000) et les blessés (près de 77 000) sont en légère hausse [1].
Comme toujours en France, nous avons une propension à voter des lois qui s’appliquent partout, pour tous et en tout temps. Cette mesure concerne les routes secondaires à double sens dont les voies ne sont pas séparées par une barrière de sécurité, ce qui représente environ 400 000 kilomètres sur un réseau routier long d’environ un million de kilomètres. 20 000 nouveaux panneaux doivent être installés sur le bord des routes françaises pour remplacer les anciens ; c’est l’État qui payera naturellement la facture…
Expérimentée pour les deux prochaines années, la mesure sera-t-elle vraiment efficace ?
Une expérimentation similaire a été menée entre 2015 et 2017 sur quelques itinéraires de routes nationales bidirectionnelles : la RN7 dans la Drôme (26), la RN57 dans la Haute-Saône (70) et la RN151 dans l’Yonne (89) et la Nièvre (58). En évaluant la vitesse moyenne réelle des usagers sur ces routes, avant et après l’abaissement de la vitesse maximale autorisée, on note que celle-ci a baissé de 4,7 km/h. Au sujet de l’accidentalité, les conclusions sont plutôt floues…On observerait une tendance positive à la baisse, mais « les nombres d’accidents considérés étant peu élevés, la baisse de l’accidentalité observée n’est pas statistiquement significative, » indique prudemment l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).
Le vrai débat
Pour le moment, si le lien entre vitesse et accident de la route n’est pas remis en cause, il semble tout de même simpliste de considérer qu’une simple réduction de la vitesse maximale autorisée aurait des conséquences réelles et durables sur la mortalité au volant. L’analyse détaillée du réseau routier indique en effet qu’il y a des routes nationales dangereuses, accidentogènes, dans lesquelles une réduction de la vitesse jusqu’à 60 km/h aurait été accueillie favorablement. En revanche, il existe des portions de routes de très bonne qualité, bien entretenues, en ligne droite, pour lesquelles la réduction de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h ne va rien apporter en matière d’accidentologie. En dehors de l’alcool, des drogues et du sommeil au volant, les accidents en France sont principalement dus à l’état du réseau, en particulier la qualité de l’asphalte.
Ce constat suppose que tous exercent leur responsabilité, y compris que ceux qui sont chargés d’investir dans nos voies de communication s’en chargent. Cette question n’est pas soulevée dans les débats actuels.
Parlons clair
Une mesure considérée comme répressive, notamment avec l’augmentation du nombre de contrôles par radars, risque de ne pas faire changer durablement les comportements des automobilistes ou des routiers…et de passer à côté des principales causes d’accident en France ! Les actions préventives, la sensibilisation aux dangers de l’alcool au volant, les mesures contre l’usage du téléphone en conduisant sont autant de pistes à exploiter.
[1] Observatoire national interministériel de la sécurité routière : http://www.securite-routiere.gouv.fr/la-securite-routiere/l-observatoire-national-interministeriel-de-la-securite-routiere