Nicolas Hulot : les lobbys ont bon dos !

Les faits

En démissionnant du gouvernement, Nicolas Hulot a dénoncé la proximité du pouvoir avec les lobbys, lesquels auraient bénéficié d’arbitrages favorables au détriment de l’intérêt général et de la protection de l’environnement. En ligne de mire notamment, la réforme de la chasse à laquelle il avait participé la veille avec Emmanuel Macron en présence de Thierry Coste, bien connu pour son activité de lobbyiste au nom des chasseurs. Surprenant, pour quelqu’un qui a été un interlocuteur privilégié des gouvernements successifs sur les questions environnementales. La Fondation Hulot défendait bel et bien des intérêts au nom de l’écologie.

La déclaration de Nicolas Hulot réveille un vieux débat sur la place des lobbys, considérés à tort comme une menace pour la démocratie. Quel serait pourtant un monde sans représentation structurée des multiples intérêts existants ? La parole univoque n’est pas bonne conseillère…

Décryptage

Le terme « lobby » a bien souvent été galvaudé au cours de l’Histoire. Souvent utilisé pour désigner des structures hostiles au pouvoir, agissant dans l’ombre au mépris du bien commun, il a acquis une connotation plutôt négative, en particulier dès qu’il est associé à la sphère publique.

Tout mouvement collectif qui échappe à un parti politique est qualifié de lobby, en ce qu’il représente les intérêts d’un groupe. Peut-on parler de « bon » ou de « mauvais » lobby ? Greenpeace est inscrite au registre des représentants d’intérêts à l’Assemblée nationale, tout comme pourrait l’être un syndicat appelant à ne pas interdire le glyphosate.

N’en déplaise à certains, recevoir les représentants d’intérêts fait partie de l’exercice quotidien du pouvoir. La démocratie et la décision publique se nourrissent du pluralisme d’opinions. Au début de son mandat, Nicolas Hulot a lui-même reçu à son cabinet de nombreuses ONG et tous les acteurs de terrain qu’il estimait nécessaire de « consulter ». Dialoguer n’est pas se soumettre, comme le rappelait Benjamin Grivaux sur France inter il y a quelques jours. Il est illusoire de penser qu’on peut gouverner seul et que les lobbys n’ont pas un rôle à jouer. Au contraire, ils sont les intermédiaires et les traducteurs nécessaires pour fournir aux décideurs publics tous les éléments utiles à la prise de décision. Il est donc assez logique que la Fédération nationale des chasseurs (FNC) ait été sollicitée pour préparer la réforme de la chasse, d’autant plus qu’elle représente plus d’un million de chasseurs.

Garant du pluralisme démocratique, le processus de représentation d’intérêts doit néanmoins être formalisé et transparent. C’est bel et bien le cas en France, tous les représentants d’intérêts étant tenus de s’inscrire au répertoire des lobbys de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique depuis le 30 avril 2018. On compte actuellement 1 611 lobbys (cabinets, consultants, avocats, associations, ONG, syndicats, organisations professionnelles, etc.).

Le vrai débat

Loin des considérations démocratiques, le terme « lobby » est un épouvantail qui jette le discrédit sur le camp politique adverse. La démission de monsieur Hulot a en cela été récupérée en un temps record par tous les bords politiques, hormis la République en Marche. Dire que le gouvernement sert encore et toujours les mêmes intérêts et ne satisfait les demandes que d’une poignée d’influents est une critique récurrente et facile.

Emmanuel Macron entretient certes une relation décomplexée – dont il ne s’est jamais caché – avec les différents groupes d’influence. La vraie question est celle du conflit d’intérêt. Sans pour autant parler de « neutralité », ni tomber dans la surveillance constante, l’enjeu est bien de construire un espace d’échanges ouvert où les liens historiques entre anciens interlocuteurs ne prévalent pas. Ce serait figer les relations de pouvoir et glisser dangereusement vers des liens de complaisance, des ascenseurs que l’on se renvoie…

Parlons clair

Notre majorité est-elle phagocytée par les lobbys ? Tous les lobbys se valent-ils ? Questions rhétoriques mais peu pragmatiques…Dans l’exercice du pouvoir, on est finalement toujours le lobby de quelqu’un d’autre.

 

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