Covid-19 : fin de la mondialisation ? Pas si sûr.

La Chine est une puissance dotée d’une agriculture digne d’un pays en voie de développement c’est pourquoi la France doit renforcer sa vocation exportatrice plutôt que de se renfermer sur elle-même.

Les faits

Le monde est à l’arrêt pendant que le virus Covid-19, lui, progresse sans cesse. Ce phénomène sans précédent dans notre histoire endommage profondément notre économie et nous force à la reconsidérer : est-ce décidément la fin de la mondialisation ? Pour certains, elle est entièrement responsable de la crise actuelle. Pourtant, en s’y penchant de plus près, cette crise a bien un commencement. Voilà la base sur laquelle il faut s’appuyer : la Chine, par sa place dans le système économique international et son manque de sécurité alimentaire, menace constamment notre propre économie.

Décryptage

Une des hypothèses sur l’origine du virus 2019-nCoV serait la consommation de viande pangolin infectée par un virus « muté » issu d’un réservoir local. Sans que cette hypothèse ait été prouvée, beaucoup estiment que ce nouveau coronavirus provient de soupes de chauves-souris ou de serpents traditionnellement servies sur le marché de Huanan dans la région de Wuhan en Chine d’où la propagation aurait commencé.

Une étude menée par des scientifiques chinois, publiée le 21 janvier, explique que le Covid-19 « partage avec les coronavirus du SRAS et analogues au SRAS un ancêtre commun qui ressemble au coronavirus de la chauve-souris HK9-1 ». Malheureusement ce nouveau coronavirus est bien plus contagieux que ses précédentes versions et touche aujourd’hui près de 185 pays.

Cette diffusion du virus à l’échelle mondiale met toutes les filières de l’alimentation sous pression. En France nous pouvons nous estimer chanceux puisqu’aucune pénurie alimentaire n’est à prévoir, les rayons de la grande distribution continuent d’être approvisionnés grâce à l’adaptation rapide et efficace du travail des maillons essentiels de la logistique tels que les producteurs, les ouvriers d’usine ou les chauffeurs routiers. Cette pandémie va en revanche avoir de lourdes conséquences pour les régions du monde les moins préparées comme l’Afrique de l’Est (Kenya …) récemment touchée par une invasion de criquets. L’impact de cette crise sanitaire sur l’enjeu alimentaire mondial ne doit pas être écarté. L’alerte diffusée par un communiqué commun de l’OMS, la FAO et l’OMC au début du mois d’avril doit être prise au sérieux.

Le vrai débat

En Chine, les chiffres officiels, assez importants, sont généralement centrés sur les métropoles mais rien n’est dit à propos des 529,6 millions de Chinois qui vivent à la campagne et qui représentent 47,3% de la population. Alors qu’en est-il de l’avenir de la production agricole chinoise ?

En effet, malgré une population à majorité paysanne, la Chine dépend énormément de ses importations. Et si elle est en voie de devenir la première économie mondiale, elle ressemble encore par bien des aspects à un pays en développement notamment pour sa sécurité alimentaire. Elle bataille, en effet, entre des contextes de production peu favorables (terre, climat, …) et une organisation de la sécurité alimentaire (lait contaminé par la mélanine en 2008…) qui laisse à désirer. La peste porcine, qui décime depuis 2018 une grande partie de la production chinoise, est un bel exemple : le manque de sécurité sanitaire en Chine force les autorités à recourir fortement à l’importation. Une aubaine pour la production européenne mais qui renforce la Chine comme le pivot de la production alimentaire mondiale. Pour les autorités chinoises l’alimentation est un enjeu prioritaire pour sa sécurité intérieure. Donc, ce que décidera la Chine pour sa sécurité alimentaire dans les semaines à venir aura un impact : l’arme alimentaire est une vraie réalité.

Parlons clair

Si Arnaud Montebourg annonce que la mondialisation est terminée, il est plus pertinent de penser que l’idée de fermer nos frontières aux échanges relève de l’absurdité. Et certains rêvent d’instaurer une « nationalisation politique » de la production agricole avec ces soviets. (https://www.marianne.net/economie/romain-dureau-la-crise-du-coronavirus-est-le-grain-de-sable-qui-bloque-l-agriculture)

Le désir d’acquérir davantage de souveraineté quant à notre approvisionnement en médicaments ou en produits d’alimentation est bien compréhensible mais il ne faut pas oublier qu’actuellement notre autonomie alimentaire est largement assurée par le haut niveau de production de notre agriculture et que l’équilibre de notre secteur agricole et agroalimentaire repose sur des filières exportatrices (lait, céréales, viande, viticole…).

Un exemple : en France les brasseries artisanales ont dû réduire leurs activités comme d’ailleurs les principaux brasseurs du monde. Notre filière d’orge de brasserie (la France étant le 1er exportateur mondial de malt. 20 % des bières brassées dans le monde le sont à partir d’orges de brasserie et de malts français[1]) va se retrouver dans la tourmente dans les prochaines semaines si le confinement perdure. C’est un exemple significatif qui montre qu’une relocalisation selon des impératifs idéologiques est une absurdité.

La question n’est donc pas uniquement de relocaliser notre production mais simplement d’établir une approche collective européenne capable de maintenir notre souveraineté alimentaire et aussi notre place à l’exportation.

Comme le note un rapport du trésor de septembre 2018 « le secteur agricole et agro-alimentaire est l’une des principales forces du commerce extérieur français. Il constitue notre troisième excédent sectoriel derrière le secteur aéronautique ». La dégradation continue de notre compétitivité, notamment sur le marché intérieur de l’union européenne, nous expose davantage aux turbulences mondiales. Certains secteurs comme celui des fruits et légumes, dû à des faiblesses structurelles, sont en déficit mais rien ici d’inquiétant si ce n’est qu’il faut à tout prix lutter contre l’agribashing, protéger nos agriculteurs et investir en Recherche et Développement. Et s’il faut développer de nouveaux segments de production plus localisés il faut que ceux-ci s’incluent dans une vision globale de « tectonique des plaques alimentaire » mondiale.


[1] https://www.passioncereales.fr/dossier-thematique/la-fili%C3%A8re-orge-malt-biere-en-chiffres

 

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