Il y a trop d’argent dans le foot ! Et alors ?

Les faits

Le football est par excellence le terrain des idées reçues. Il n’est pas traité comme une industrie, ce qu’il est pourtant devenu ! Temps fort de la saison sportive et économique, le mercato d’hiver s’achève ce 31 janvier à minuit. On parle souvent du « foot » avec condescendance ; et souvent au mépris de la vérité. C’est particulièrement le cas au sujet de l’argent. « Les footballeurs sont trop payés », « les clubs bénéficient de l’argent public », « les joueurs ne payent pas d’impôts ». Tout ceci est faux et archi faux !

Décryptage

Le foot a beaucoup changé. En 25 ans, on est passé du modèle « stade-spectateur-collectivités locales » au modèle « droits audiovisuels-marketing-merchandising ». En fait, l’industrie du foot s’est mondialisée. L’arrêt Bosman, célèbre arrêt de la Cour de justice des communautés européennes de 1995, a permis la libre circulation des joueurs dans l’espace européen. Les meilleurs joueurs ont ainsi été chassés par les clubs les plus riches. Le montant des transferts a subi une forte inflation : en 2017, 5 milliards d’euros ont été dépensés, soit 30% de plus que la saison précédente. Les chiffres donnent le tournis. Ils alimentent les polémiques, non seulement sur le montant des transferts, mais aussi et surtout sur les salaires versés aux joueurs. Au cours du Mercato d’été, en France, le PSG a dépensé plus de 400 millions d’euros pour acquérir les services du brésilien Neymar et ceux du monégasque Kilian Mbappé. Ces deux joueurs sont désormais salariés en France. Régulièrement, les médias interpellent l’opinion : comment peut-on dépenser autant pour des footballeurs ?

Le vrai débat

Notre football dit un peu ce que nous sommes… En Grande Bretagne, conformément à la tradition libérale de l’économie britannique, la Premier League est une société de droit privé qui gère les intérêts de ses adhérents et négocie les droits TV les plus élevés du monde (2,3 milliards d’euros). En Allemagne, la rigueur de gestion associée au capitalisme rhénan s’applique aussi au football même si le Bayern de Munich est le premier club européen au titre des revenus marketing (Rapport Deloitte, 2017). L’Espagne a concentré son intérêt autour des deux grands pôles de la Liga que sont le FC Barcelone et le Real Madrid. Et en France ? Le public est souvent marqué par cette maladie franco-française qui est celle de l’attirance-répulsion. La France est l’un des derniers pays régulièrement confrontés au débat sur le statut du sport professionnel. Les pouvoirs publics organisent des rencontres pour s’interroger sur l’éthique en rappelant les principes du baron Pierre de Coubertin, là où il faudrait plutôt appliquer les règles du code de commerce ou celles du code général des impôts ! Les postures morales font souvent le lit de mauvais procès.

Parlons clair

A la différence des tennismen, cyclistes et autres coureurs automobilistes, les footballeurs sont tous salariés en France. Ils payent l’impôt sur le revenu en France et comme leurs employeurs versent d’importantes cotisations sociales qui contribuent à financer notre modèle social. On estime la contribution nette du football professionnel français aux caisses de l’Etat et des organismes sociaux à presque 1 milliard d’euros chaque année. A chaque Mercato, nous devrions pleurer les footballeurs français qui migrent vers des championnats étrangers et nous réjouir à chaque fois qu’un club français accueille un grand joueur qui sera en conséquence un bon contribuable.

Dans le même esprit, rappelons qu’en France, les clubs professionnels payent une contribution significative au football amateur. La France a voté la taxe Buffet, du nom de l’ancienne ministre communiste des sports de Lionel Jospin. Elle contribue ainsi au financement du sport amateur pour un montant annuel d’environ 30 millions d’euros. C’est un modèle presque unique en Europe !

Loin de coûter à la collectivité, le football professionnel rapporte. Les chiffres du Mercato et les salaires des footballeurs doivent être remis en perspective. La valeur financière totale des 32 clubs les plus riches d’Europe atteint presque 30 milliards d’euros. Nous sommes en présence d’un écosystème régulé (Fair Play Financier de l’UEFA), d’entreprises de taille moyenne qui irriguent le territoire européen et qui sont, de surcroit, créatrices d’emplois. Tirer sur le foot est non seulement démagogique, mais c’est aussi contre-productif sur le plan fiscal.

 

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