Le Nutella, révélateur des limites des Etats généraux de l’alimentation ?

Les faits

Un pot de 950g de Nutella à 1,41 € ! Qui dit mieux ? En lançant cette promotion à prix cassé, Intermarché a déclenché ces dernières semaines une grande vague médiatique. “On a frôlé l’émeute dans plusieurs villes de l’Est, comme Forbach, Haguenau ou Revigny-sur-Ornain”, rapporte Le Monde. France TV info évoque même une “bagarre” à Ostricourt dans le Nord, “obligeant la gendarmerie à intervenir”. Après une initiative similaire sur les couches Pampers, et face au tollé médiatique, le patron d’Intermarché a très rapidement décidé d’arrêter l’opération[1].

 

Décryptage

Le buzz a fonctionné à merveille et bien évidement les media et les politiques se sont immédiatement emparés du sujet. Le Ministre de l’économie Bruno Le Maire a décidé de lancer ses limiers de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur les traces du pot de Nutella à – 70 %.[2] Ceux-ci n’avaient probablement rien à faire d’autre que d’occuper la galerie médiatique… Dans une version plus anecdotique, Yannick Jadot[3] a fait son coming out : ses enfants préfèrent l’original de Ferrero aux versions bio…

Ferrero, le producteur du Nutella cristallise les hurlements des militants du bio, du local et de l’écologie politique. En cause évidemment : l’huile de palme, accusée de rendre nos enfants obèses et de détruire les forêts tropicales. Posons la question : les « substituts » sont-ils meilleurs ? Pas forcément. Sur le plan nutritionnel, comme le montrent les étiquettes des pots de crème chocolat-noisette, s’en goinfrer matin midi et soir, c’est le même risque d’obésité pour des enfants et adolescents. En ce qui concerne le goût, contentons-nous de l’avis des enfants de Yannick Jadot : vive la crêpe au Nutella ! Enfin, sur le plan environnemental, remplacer l’huile de palme par de l’huile de coprah (issue de noix de coco) est équivalent.

 

Le vrai débat

Comme le note le patron du réseau Intermarché Thierry Cotillard[4], ces bousculades projettent crument l’image de notre société. « Mais ces excès, et l’image qu’ils nous renvoient de notre société, doivent être lus comme révélateurs d’une vraie attente des consommateurs en termes de pouvoir d’achat ».

On s’offusque mais ces excès sont-ils plus « délirants » que les parisiennes « dans le vent » qui se précipitent aux ventes privées des marques de luxe. Hé oui, les Français sont en attente de pouvoirs d’achat, même si la reprise économique se confirme. Nos compatriotes de la France dite périphérique sont à la recherche du meilleur prix sur les produits alimentaires. Les charges fixes des ménages augmentent : le carburant, les loyers, la fiscalité directe ou indirecte, etc. Pour de nombreux ménages, le budget consacré à l’alimentation est la variable d’ajustement dans la gestion des priorités.

En même temps que Nutella affolait les esprits, les producteurs de porc se sont élevés sur des promotions en grandes et moyennes surfaces[5]. Bizarre… la presse nationale n’a pratiquement pas repris cette information en lien avec le projet de loi du ministre de l’agriculture « pour l’équilibre des relations commerciales dans la filière agroalimentaire ».

 

Parlons clair

Les Français qui se sont précipités sur le Nutella sont, à nos yeux, plus respectables que les nouveaux censeurs de l’alimentaire qui se sont emparés du sujet et qui ont assuré le buzz médiatique.

Ce que dit cette campagne d’Intermarché vient à contre-courant d’une forme de pensée unique et médiatique sur l’alimentation qui promeut le bio, le local, le « sans pesticides », le « fait maison ». Cette pensée unique se traduit par l’agri et l’agro-alimentaire «bashing». Il est de bon ton de pourfendre tout ce monde !

Pour affronter des enjeux de santé publique liés à la nutrition, il est évident qu’il faut mobiliser la filière agro-alimentaire. La politique de recherche du prix le plus bas montre ses limites depuis trop longtemps. Redonnons des marges de manœuvre à tous les échelons, et du sens aux prix et aux produits. En attendant, proposons à nos censeurs alimentaires d’aller faire un petit tour le samedi matin dans les grandes surfaces des quartiers populaires pour y voir la réalité, et mesurer l’impact des prospectus des grandes centrales alimentaires. C’est là-bas que l’on constate la destruction de valeur dans la chaine alimentaire. En témoigne le prix au kilo des oignons à moins de 20 cts d’euros !

[1]http://www.lejdd.fr/economie/nutella-pampers-le-patron-dintermarche-annonce-la-fin-des-promotions-a-70-3564389

[2]http://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/01/29/promotion-sur-le-nutella-la-repression-des-fraudes-va-ouvrir-une-enquete_5248889_3234.html?xtmc=nutella&xtcr=3

[3]https://www.ouest-france.fr/politique/yannick-jadot/yannick-jadot-regrette-que-ses-enfants-preferent-le-nutella-aux-alternatives-bio-5525371

[4]http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2018/02/04/intermarche-ne-fera-plus-de-promotion-a-70_5251496_1656968.html#ZfT6HJITg2lhxl0r.99

[5]http://www.letelegramme.fr/cotesarmor/porcs-les-bonnets-roses-passent-a-l-action-dans-la-grande-distribution-31-01-2018-11833584.php

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