Sommes-nous trop nombreux sur terre ? Pas si sûr !

Les faits

« Nous serions trop nombreux sur terre ». Tel est le refrain que l’on peut entendre ici où là. Et c’est une belle intox !

Aborder la question du malthusianisme rend tout d’abord nécessaire un petit rappel historique pour ceux chez qui les livres d’histoire ne sont qu’un lointain souvenir. Malthus, économiste anglais ayant vécu à la fin du XVIIème / début du XVIIIème siècle est surtout connu pour ses travaux liant croissance de la population et paupérisation de la population. Rencontrant un certain succès grâce ses qualités de pédagogue, sa théorie a largement survécu aux années. En France notamment, elle a été reprise par Jean-Baptiste Say qui affirmait sans ambages : « Il convient d’encourager les hommes à faire des épargnes plutôt que des enfants ».
Surfant sur les peurs liées à une forte croissance de la population mondiale, c’est dans les années 60 que le malthusianisme réapparaît sur la scène scientifico-médiatique avec Français René Dumont prophétisant : « 80% de la population du monde sera sous-alimentée en 2000 ». Nous sommes en 2017…et la faim a largement reculé dans le monde ; nul ne conteste ce fait. Même si beaucoup reste à faire et qu’il faut continuer à faire reculer le fléau. Le malthusianisme a-t-il pour autant disparu ? En apparence oui ! Si dans les années 60 et 70, les malthusiens ont tenté de faire passer leur idéologie grâce au spectre de la famine, aujourd’hui, on n’entend plus guère ce genre de théorie du moins dans les media. Et pourtant, des mouvements écologistes prônent toujours la réduction de la population pour protéger notre planète ; certaines personnalités politiques affichent dans leur programme des mesures de réduction des allocations pour les familles nombreuses (trop polluantes) ; et tous les ans, en juillet ou en août, la sphère écolo-médiatique nous intime l’ordre de culpabiliser à l’idée de savoir que la terre vit sur le reste de l’année à crédit à cause de notre mode de vie consumériste.

 

De la menace de famine au discours « light » des ONG : décryptage du malthusianisme contemporain

Le spectre de l’extinction de masse du monde vivant. Plus question comme dans les années 60 de pauvreté, de famine, etc. Il s’agit maintenant de sauver la terre. Il y a quelques mois, des scientifiques, dont le très contesté Paul R. Ehrlich, auteur de la Bombe P nous annonçaient la sixième extinction de masse nous laissant quelques dizaines d’années pour nous « retourner » (!) . Un parfait exemple de « recyclage » des idées à près de 40 ans d’intervalle, que les media y compris dits « de référence » ont relayé sans aucun esprit critique. Audrey Garric du Monde, n’hésite pas à citer Ehrlich : « Les moteurs ultimes de la sixième extinction de masse sont moins souvent cités, jugent les auteurs. Il s’agit de la surpopulation humaine, liée à une croissance continue de la population, et de la surconsommation, en particulier par les riches. » Et de reprendre sans sourciller les conclusions des auteurs : « Parmi les actions prioritaires, les scientifiques appellent à réduire la croissance de la population humaine et de sa consommation (…). »
Ayant pris un peu de recul par rapport à la couverture médiatique de l’étude, la journaliste québécoise Valérie Borde rappelle que le biologiste américain Paul Ehrlich, « a déjà été critiqué par le passé pour ses prédictions apocalyptiques qui, heureusement, ne se sont pas avérées. En 1968, il publia un livre, The Population Bomb, dans lequel il prévoyait que l’humanité mourrait de faim dans les années 1970 à cause de la surpopulation. Or, même si la population humaine a continué d’augmenter, la proportion de personnes qui souffrent de la faim, elle, a diminué. » En effet, dans La Bombe P, le scénario le plus optimiste du malthusien Paul Ehrlich prévoyait « seulement » 1 milliard de morts de famine… et de rappeler : « depuis 40 ans, on a fait des progrès, trop lents, sans doute, mais bien réels et de plus en plus nombreux »

Le WWF et les thèses malthusiennes : les ambiguïtés d’une ONG écologiste internationale. Trop radicales, politiquement incorrects, les grands noms des ONG écologistes se gardent bien de faire référence explicitement aux thèses malthusiennes et même s’y opposent publiquement. Dans une interview parue le 29 août 2007 dans Le Monde, Serge Orru, directeur général du WWF-France, affirme : « il est nécessaire de « lutter contre les avatars du malthusianisme, [qui] risquent de faire un retour en force ». Des propos qui laissent entendre que le WWF France serait favorable à la croissance démographique. Pourtant, en 2006, dans une plaquette listant les dix « nouveaux commandements » pour « réduire [son] empreinte écologique », le WWF France recommandait de « reporter d’un an la décision d’avoir un enfant », « commandement » qui a disparu dans la version suivante de la plaquette…  Simple accident de parcours ? Ou « retour aux sources malthusiennes » ?
Pour ceux qui avaient un doute, la réponse se trouve dans les publications du WWF International. Celles-ci sont très claires. Dans son rapport Living Planet Report 2008, WWF affirme que « dans un monde déjà endetté sur le plan écologique, la croissance continue de la population et de l’empreinte individuelle n’est clairement pas une voie durable ». Et dans son bilan 2008, l’organisation affirme que l’empreinte écologique dépend de plusieurs paramètres, dont « la taille de la population, des biens et services que chacun consomme et de la quantité de ressources et de déchets que cachent ces biens et services ».
Ces thèses malthusiennes du WWF permettent de mieux comprendre ses positions sur de nombreux sujets, notamment sur l’agriculture et l’environnement. Une agriculture moderne et productive, capable de nourrir 9 milliards d’individus, est une menace pour l’environnement. Tandis qu’une agriculture bio est le corollaire « naturel » d’une réduction drastique de la population.

Le malthusianisme affiché de quelques personnalités écologistes. Au-delà de quelques penseurs et ONG reconnues, les thèses malthusiennes restent bien ancrées au sein du mouvement écologiste. Et certaines personnalités n’hésitent pas à parler à haute voix. Gilles-Eric Séralini, connu pour depuis quelques années pour ses « recherches » ultra-médiatisées sur le glyphosate et pour son militantisme anti-pesticides, déclare ainsi en 2012 à propos de la croissance démographique : « Nous nous comportons comme des bactéries dans un milieu nutritif » , reprenant ainsi les thèses développées dans son livre : « Nous pouvons nous dépolluer » où il explique que « les miséreux qui ne peuvent avoir pour tout ciel, dans une vie de manques et de torture, que leurs instants d’orgasmes, sans pour autant connaître la contraception qui est un luxe, se reproduisent forcément plus que les autres. ». Propos assimilant clairement les « miséreux » à des animaux dont on se demande s’ils ne sont pas de trop sur la terre…Dans la même logique, Yves Cochet, figure du mouvement Europe Écologie Les Verts affirme en 2009 : « Le néomalthusianisme modéré que je prône est une revendication féministe depuis un siècle. C’est pourquoi je promeus ces propositions de baisser les allocations au-delà du 2e enfant » . La logique d’Yves Cochet est implacable : deux enfants ont moins « d’impact » sur la planète que quatre…Sauf que les parents de familles nombreuses vous diront que trois enfants (ou plus) impliquent très souvent une attention particulière au budget de la famille et donc une réduction des déplacements, du gaspillage, etc. Bref, le bilan carbone d’une famille nombreuse est loin d’être plus élevé qu’un enfant d’une famille plus petite.

Le vrai débat : décroissance ou croissance durable ?

Rappelons ce constat : toutes les théories malthusiennes émises jusqu’à ce jour se sont avérées fausses. La faim recule dans le monde et il est probable qu’elle continue à reculer sauf cause externe majeure (guerres..). Ce qui ne les empêche pas de prospérer de nouveau autour de deux axes de pensée profondément pessimistes : la croissance démographique est synonyme de désastre écologique ; et l’innovation est et sera incapable d’accompagner un développement durable tant de la population que de notre environnement. Les voix relativisant ces thèses sont peu nombreuses. Jacques Vallin, démographe à l’Institut national d’études démographiques (Ined) fait partie de celle-ci : « La parole de certains écologistes a perdu en crédibilité car ils ont exagéré les périls. À 9 milliards, nous sommes tout juste un peu plus nombreux qu’à 6 ! Le plus grand saut démographique fut de passer de 2,5 à 5 milliards entre 1950 et 1980. En trente ans, la population a doublé. Et nous avons fait face ». Le vrai débat consiste donc dans notre capacité à gérer cette croissance : « La troisième peur est celle de voir la planète se détériorer, la peur écologique. Elle est aujourd’hui beaucoup plus fondée que les deux autres. Mais on peut la gérer si l’on a la volonté de s’organiser. Il est absolument nécessaire de réduire la pollution émise par chaque habitant de la planète. Une bonne moitié de l’humanité – en Afrique, en Amérique latine et dans une partie de l’Asie – a encore un besoin vital de développement économique, ce qui représente un fort potentiel d’accroissement de la pollution au niveau planétaire. Tout doit donc être fait pour encourager et surtout aider ces pays à adopter un mode de développement plus durable que le nôtre. Mais je ne suis pas sûr que nous soyons les mieux placés pour leur donner des leçons. »

Parlons clair

Il est heureux que l’idéologie malthusienne soit en recul de plusieurs années dans la sphère médiatique. Et pour cause, le malthusianisme a mauvaise presse : faire baisser la population mondiale, trouver les moyens pour le faire…ces questions renvoient à un lourd passé dont personne aujourd’hui ne souhaite se réclamer. Bref, à part quelques exceptions, pas de « coming out » malthusien clair dans les media, mais des thèses malthusiennes qui continuent à creuser leur sillon sous couvert d’écologisme dont pas grand monde ne se méfie. Mais il ne faut pas être naïf, ces thèses demeurent et se sont greffés durablement sur le mouvement écologiste. S’il faut rester attentif, c’est que ces thèses nous mènent tout droit au désastre humain…et écologique. Les malthusiens ont toujours quelques difficultés à répondre aux questions « sensibles » : qui aurait le droit de faire des enfants ? combien ? qui exercerait ce contrôle social ? Rappelons que le seul régime contemporain qui a « tenté » l’expérience est la Chine, régime notoirement « démocratique » ! Et le résultat est là : après des dizaines d’années de politique de l’enfant unique, la Chine vient d’autoriser les couples à avoir un deuxième enfant. Quant à croire que la nature « irait mieux » avec un ou deux milliards d’habitants est d’une grande naïveté. Le moteur de la protection de la nature n’a jamais été la décroissance démographique mais la recherche et l’innovation.

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