États Généraux de l’alimentation : l’art de l’enfumage

Les faits

Les réactions au discours du président de la république, prononcé à Rungis le mercredi 11 octobre, sont plutôt positives[1] et mesurées. Au fil de ce mandat, on découvre l’art particulier du macronisme ; dire une chose et son contraire en même temps. Mais ce type de positionnement peut conduire à énoncer des absurdités. Exemple :

« Nous modifierons la loi pour inverser la formation du prix qui partira du coût de production. » Ouest France[2]

Qu’un Président de la République fasse croire à des agriculteurs et aux Français qu’un prix agricole se déterminera demain à partir du coût de production, c’est une absurdité la plus totale, sauf à fermer hermétiquement toutes les frontières.

Décryptage

Cette absurdité, notre Président l’enrobe avec beaucoup d’incantations visant les filières de production et les interprofessions. Une question qui mériterait de la part du président de la République des précisions sur les moyens juridiques à donner à ces institutions. Ces dernières peuvent faire beaucoup mieux et plus. Comme par exemple ; mettre des indicateurs de prix aux différents échelons des filières, créer des contrats type, définir des cahiers des charges collectifs …mais laisser croire que demain, en France, une interprofession pourra fixer et imposer un prix à partir d’un coût de production, c’est un leurre.

Le vrai débat

En réalité, le Président Macron n’a pas tranché dans la confrontation entre les forces économiques du champ et celles du linéaire. Serge Papin de Système U avec l’ANIA, la FCD et la FNSEA ont fait des efforts et un accord pouvait se dégager avec un panel d’outils techniques dont le SRP (Seuil de Revente à Perte). Ce n’était pas simple, notamment pour faire redescendre de la marge jusqu’à la production, mais pour une fois il y avait un consensus pour casser la spirale de la baisse des prix dans l’agro-alimentaire, et donc des investissements et de l’emploi, …. Le président a annoncé des ordonnances. A suivre.

Michel-Edouard Leclerc avec le soutien des organisations de consommateurs a fait croire que tous les prix allaient augmenter. Chapeau l’artiste, ça a fonctionné ! Un expert [3]de la distribution avait noté que l’augmentation du SRP remettait en cause la stratégie du groupe Leclerc. Les organisations de consommateurs, en prenant fait et cause avec Michel-Edouard Leclerc, démontrent finalement qu’ils n’ont pas compris que le consommateur, c’est aussi un producteur. Ils oublient le drame français : 4 millions de français à la fois consommateurs et chômeurs.

Parlons clair

Le prix payé aux producteurs est la résultante de beaucoup d’interactions entre l’offre (influencée par la variation climatique) avec la composante coûts de production à l’échelle européenne et des demandes (du premier prix, à la qualité premium), du rapport de force interne et spécifique à chaque filière. L’enjeu est de créer des outils pour permettre aux agriculteurs (leurs entreprises) de gérer la volatilité des prix agricoles en fonction de leurs coûts de production.

Le Président de la République, en ignorant les écarts de compétitivité entre producteurs et agricultures européennes, créé des illusions. Enfin, il feint d’ignorer que l’Etat a parfois une responsabilité dans les coûts de production à tous les échelons de la filière.

Sur quoi vont déboucher les États Généraux de l’alimentation ? On peut partager la conclusion du journaliste Antoine Jeandey [4] du site Wikiagri.fr : « En refilant le bébé « aux filières », c’est aussi l’échec patent des Etats généraux de l’alimentation qu’il veut leur faire endosser. »

 

 

 

[1] https://www.confederationpaysanne.fr/rp_article.php?id=6298)
[2] https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/macron-annonce-des-ordonnances-pour-ameliorer-les-revenus-des-agriculteurs-5305648
[3] https://www.olivierdauvers.fr/2017/10/07/samedi-conso-mon-carnet-retail-mais-pas-que-de-la-semaine-6/
[4] http://www.wikiagri.fr/articles/pourquoi-le-discours-demmanuel-macron-annonce-lechec-des-etats-generaux-de-lalimentation/15961

 

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