Intermarché 1 – Carrefour 0

Les faits

Après Serge Papin de Système U qui nous promettait de bannir de ses rayons les produits contenant des OGM, de l’huile de palme…, (cf : « Système U : hors sujet !« ), le Groupe Carrefour de George Plassat communique à son tour en essayant de faire la leçon à ses concurrents.

Un des spots de la campagne actuellement sur nos écrans (et également diffusé en presse papier cette semaine) est consacré aux œufs de poules nourries sans OGM. Si la communication de Système U empreinte au style militant, les créatifs de Carrefour utilisent les enfants (pas très original) pour, soyons clair, se payer notre tête !

Le film commence par l’interpellation d’un enfant de 4- 5 ans qui se préoccupe a priori davantage des OGM que des mouillettes !

L’enfant : » Pourquoi elle ne mange jamais d’OGM vos poules ? »
Carrefour : » Tant qu’on ne connaît pas les risques on préfère ne pas leur en donner »

Le film se termine sur une offre commerciale (2,66 € la douzaine d’œufs), symbole typique du vieux modèle économique des GMS : le prix le plus bas…


Décryptage

Le prix unitaire de l’œuf est d’environ 0,21€ HT. A ce niveau de prix, il n’est pas difficile d’identifier la filière de production de Carrefour (les poules ne sont pas choyées individuellement ni nourries à la main, contrairement à ce que laissent voir les premières images de la publicité). Autre conséquence de ce prix :  la part qui revient au fournisseur.

Pourquoi Carrefour se focalise sur l’absence d’OGM dans la nourriture des poules ? Cela ne change absolument rien à la qualité des œufs, ni aux garanties pour le consommateur.

Sur sa lancée, Carrefour pourrait aussi communiquer sur la rémunération de ses producteurs ainsi que sur sa manière de compenser pour ce dernier le surcoût engendré par une alimentation non-OGM.

Le vrai débat

Dans les Echos (article ici) du 10 mars 2017 le PDG du groupe Carrefour dresse un double constat : la grande distribution, en dehors de l’alimentaire, est concurrencée, voire surpassée par le commerce en ligne et 83 % du Chiffre d’affaires est réalisé dans l’alimentaire. C’est donc le modèle de la grande distribution qui est en jeu et qui ne tient plus que par le secteur alimentaire.

Mais au-delà, le vrai débat est avant tout dans les équilibres entre les acteurs des filières. Dans le cas précis, la rémunération des producteurs est un enjeu majeur dans la mesure où il détermine la viabilité de la filière.

Parlons clair

Après la course au prix les plus bas, le Groupe Carrefour nous annonce que le futur c’est : « les tendances alimentaires mondiales et transversales en faveur des produits sains, bio, multilocaux ».

Dans un même temps, Intermarché lance sa campagne «#lamourlamour ». Il faut constater une véritable prise de risque sur la création publicitaire. Plus encore, sur le fond, les Mousquetaires osent poser le véritable enjeu de notre société : les comportements du consommateur, sa responsabilité, l’équilibre alimentaire, la diversité de notre alimentation, la viande, le poissons, les fruits et légumes, …  Tout les ingrédients sont présents pour faire passer les bons messages. Et surprise : pas de course au prix, pas de prix du tout, Intermarché casse les codes de la GMS et conclu en beauté, et non sans une certaine humilité : « Nous sommes producteurs et commerçants pour vous aider à manger un peu mieux tous les jours ».

Chapeau les mousquetaires !

Film Intermarché

Le spot de 3 minutes conçu par l’agence Romance a été diffusé pour la première fois le samedi 11 mars sur TF1, à 20h40 juste avant « The Voice », ainsi que sur les réseaux sociaux et en radio.
Intermarché comptabilise quelques 6,2 millions de vues de la vidéo sur sa page Facebook, rien que ça…


 

Précision / Mea culpa (22-03-2017) : 

Avons nous fait une erreur dans l’article ci-dessus du 17-03-2017 ?

Le spot TV de Carrefour (commenté dans l’article ci-dessus) annonce un prix de 2,66 € pour 12 œufs. Le spot ne mentionne pas un mode de production particulier ni l’origine des œufs. Dans la version papier de la publicité, le mode d’élevage est précisé : « plein air » ainsi que « origine –France ».

La première version de notre fiche detox a été élaborée à partir de la publicité TV. Nous y laissions entendre qu’avec un tel prix, le mode de production n’offrait pas l’accès au plein air aux poules. C’était une erreur : mea culpa. Nous avons donc intégré des corrections à notre propos ci-dessus.

Malgré cette erreur, nous pouvons légitimement nous poser la question du modèle économique de cette offre. Qui dans la filière a cassé sa tirelire ? Si Carrefour a tordu le cou des producteurs, c’est regrettable. Si le groupe de distribution a décidé de casser sa marge, on ne peut que s’en féliciter… sauf que :

  • cette offre peut devenir un signal sur un niveau de prix
  • nous doutons que la filière des œufs alternatifs puisse suivre. Nous ne demandons qu’à en être convaincus.
  • Nous avons vérifié l’impact de la campagne en rayon. Dans trois carrefours, dans une ville moyenne française, le rayon est vide. L’opération est donc un succès.
loading
×