SNCF : les vrais enjeux de la réforme

Les faits

Le 14 juin dernier, le projet de réforme de la SCNF a été adopté par le Parlement français. Le projet de loi « pour un nouveau pacte ferroviaire » prévoit notamment de transformer la SNCF en société anonyme, de fixer le calendrier de l’ouverture à la concurrence prévue au niveau européen, et de supprimer l’embauche au statut de cheminot dans l’entreprise.

L’intersyndicale a d’ores et déjà appelé les cheminots à poursuivre la mobilisation initiée le 3 avril 2018, la plus longue depuis 30 ans. Une grève perlée de deux jours sur cinq, reconductible en fonction des accords syndicaux, qui risque de perturber encore davantage l’été des Français. Pourquoi une telle montée au créneau des salariés de la SNCF ? Quelles conséquences pourrait avoir la réforme sur la qualité du service, les prix, l’état du réseau ? On voit poindre un rejet massif de la politique libérale du gouvernement Macron, et la traditionnelle ferveur à l’heure de défendre des « acquis sociaux ».

Décryptage

Cette diabolisation de la réforme ferroviaire repose sur des peurs infondées, à commencer par celle du risque d’une privatisation de l’entreprise française historique.

Aujourd’hui, la SNCF est organisée en 3 entités : l’Etablissement public industriel et commercial (EPIC) SNCF qui chapote l’ensemble, SNCF Mobilités qui exploite les trains, et SNCF Réseau qui gère les rails. A ce stade, la réforme SNCF prévoit la constitution d’un établissement central ou holding qui gérerait tout à la fois, le réseau et la mobilité, c’est dire les opérations relatives à l’infrastructure et celles concernant le transport des personnes. Le gouvernement a assuré que les capitaux seraient publics et incessibles, c’est inscrit dans la loi qui vient d’être adoptée. La peur d’une privatisation – dont il n’a jamais été question – n’a donc de sens ni politique ni juridique.

Le débat n’est d’ailleurs pas fermé sur la nature juridique du réseau. Certains souhaiteraient qu’on maintienne le statut d’EPIC qui permet notamment un endettement plus élevé, la garantie de l’Etat en matière d’endettement et donc la possibilité de lever des fonds à des taux plus favorables. Avec l’ouverture à la concurrence, de nouveaux entrants privés vont intégrer le marché des transports ferroviaires. L’Etat français aura donc probablement à cœur de garder dans la sphère publique la SNCF telle qu’on l’a connue jusqu’à présent.

Le vrai débat

Plutôt que de s’attarder sur le statut des cheminots, interrogeons-nous sur les bénéfices de la réforme pour les usagers des trains en France. L’ouverture à la concurrence va-t-elle être positive pour les consommateurs ? Là aussi, la qualité du service et les prix sont des éléments clés. Plusieurs directives européennes imposent aux pays membres de libéraliser les services de transport ferroviaire. La France ne fait pas exception, la réforme est donc quel qu’en soit le contenu, inévitable.

Sans prédire l’avenir, on peut s’inspirer des exemples voisins afin d’entrevoir un futur positif pour l’ouverture du réseau ferré français à d’autres entreprises que la SNCF. En Allemagne, les prix ont baissé et le taux d’utilisation du train a augmenté de 40%, tandis qu’en Italie, les politiques de prix ont été rationnalisées et les voyageurs ont bénéficié d’innovations commerciales et opérationnelles. Là aussi, le taux d’utilisation des transports a augmenté.

Quant à la Suède, elle a développé un système d’open access, permettant à des opérateurs privés d’acheter ou de louer des portions de lignes. Pour l’aménagement des petites lignes, grande préoccupation en France, le législateur suédois a proposé des systèmes de « bouquet ». On a donc ouvert à la concurrence, non pas une ligne, mais un ensemble de lignes pour la desserte d’une région. Dans ces bouquets, certaines lignes étaient naturellement rentables et d’autres moins. Cela a permis de maintenir un transport de proximité, même dans les régions où le train n’était pas rentable.

La libéralisation, une catastrophe avez-vous dit ?

Parlons clair

Les Français sont attachés à un grand service public ferroviaire, qui fait partie de leur patrimoine national. Cependant, ce service est coûteux, sa qualité s’est considérablement dégradée, et la compagnie ferroviaire pâtit d’une dette colossale de 54,4 milliards d’euros, dont 45 milliards pour SNCF Réseau. S’ils approuvent majoritairement la réforme, la grogne au sein de la SNCF, elle, ne diminue pas alors que vont débuter les négociations autour de la convention collective.

La réforme adoptée, n’en déplaise aux organisations syndicales qui font barrage, devrait préparer la SNCF à l’entrée dans un marché européen concurrentiel. Comble de l’ironie, les Français ont bel et bien éprouvé la concurrence dans leur quotidien : transport postal, électricité, téléphonie. On nous avait décrit un cataclysme avec la fin des monopoles. Finalement, les offres se sont diversifiées, les prix ont baissé et aucun acteur du marché n’a disparu du jour au lendemain.

Le phénomène que nous observons actuellement n’est rien de moins que l’immobilisme classique et la peur du changement qui caractérise si bien notre cher pays.

 

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