Lunettes : le remboursement intégral coûte plus cher au final !

Les faits :

Rembourser les lunettes à 100%. Voilà une proposition alléchante qui revient régulièrement sur le devant de la scène. Encore récemment, Emmanuel Macron, alors en campagne, avait proposé le remboursement intégral des lunettes correctrices. Au delà de l’effet d’annonce, il nous semble important  d’y voir un peu plus clair car au bout du compte il y a forcément quelqu’un qui paye… Voyons de quoi il s’agit précisemment.

Les dépenses annuelles globales pour l’optique s’élèvent à 6,5 milliards d’euros. Une très faible part (environ 200 millions d’euros) est remboursée par la Sécurité sociale, alors que tout le reste est financé par les mutuelles ou par les patients eux mêmes. Les mutuelles ont compris le potentiel que représentait ce marché. Les « remboursements  de l’optique » sont devenus un argument de vente récurrent auprès des ménages et des entreprises. A priori attractif, que cache réellement ce marché dopé par les remboursements ?

Décryptage :

Deux à trois fois moins chères en Angleterre et en Allemagne, jusqu’à cinq fois moins chères aux Etats Unis… les lunettes nous coûtent très chères. Sur le marché français, une paire de lunettes à verres unifocaux est vendue en moyenne 300 euros ; une monture équipée de verres progressifs presque 600 euros. Comment l’expliquer et surtout justifier l’écart de prix, à iso-produit, avec nos grands voisins ?

Les économistes savent tous que les subventions directes ou indirectes produisent de l’inflation. Les distributeurs, c’est-à-dire les opticiens, réintègrent le montant de l’aide (perçue par le gouvernement) au prix du produit. Les plafonds de  remboursement des lunettes par les mutuelles forment en réalité un indicateur de dépense. Plus le remboursement est important, plus le consommateur est amené à choisir un produit cher.

Qui n’a pas été confronté à ce face-à-face avec son opticien ? Avez vous une mutuelle ? Oui ! Combien vous rembourse t-elle ? Imaginons 500 € ! Et bien, je vais vous proposer cette combinaison-montures et verres- pour 500 € et vous serez intégralement remboursé…

Parlons clair :

Pour être plus clair, analysons trois faces cachées :

  1. Les mutuelles et les opticiens jouent un jeu de dupes !

Les premières soutiennent le marché du retail des seconds. En France, il y a 13 000 points de vente, soit le taux d‘équipement d’un produit de grande consommation alors que les Français ne changent de lunettes qu’une fois tous les trois ans. La marge brute des opticiens est de 275 euros en moyenne. Toujours en moyenne, un opticien vend 3 équipements par jour.

2. Un déséquilibre qui engendre un coût autre pour le consommateur

Le sur-remboursement des lunettes se paye par de moins bonnes qualités de remboursement sur d’autres  actes médicaux (dentaires, kiné,…).

3. Un marché oligopolistique

Les réseaux mutualistes associés à des complémentaires ont créé un écosystème qui limite la concurrence. Les opticiens mutualistes appartiennent à un réseau de la mutualité de France. L’objectif de ces réseaux est de maîtriser le « reste à charge » des patients.

Le vrai débat :

Les opticiens et leurs représentants luttent contre l’arrivée des Pure Player de l’Internet (qui proposent des lunettes à bas prix). De grands investisseurs comme Marc Simoncini ont cherché à introduire de la concurrence sur ce marché en réalité très oligopolistique. On peut certes comprendre les arguments de santé (les patients doivent être accompagnés dans leur équipement, les lunettes constituent un sujet médical qui ne peut être traité sur le web… etc). Mais la promesse d’un remboursement à 100% des lunettes ne pourra être réalisée qu’en introduisant une vraie concurrence  entre les différents circuits de vente. En remettant en cause ou en supprimant carrément les réseaux de soin, ces fameux réseaux d’opticiens et de mutuelles qui instaurent une différenciation du niveau de remboursement selon que l’intervenant fait ou non partie de ces réseaux !

Emmanuel Macron est-il disposé à mettre un coup de pied dans la fourmilière et à déranger les intérêts d’un secteur très cartellisé ?

 

 

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