Diesel dernière génération versus moteur électrique : prendre le bon virage

Le sommet du diesel a réuni à Bercy les acteurs de la filière automobile, il y a tout juste un mois, au début de mars 2019 : les constructeurs automobiles, les équipementiers qui sont en première ligne en matière d’innovation, et les syndicats. Entre temps, le prix des carburants a régulièrement augmenté pour retrouver un niveau de prix élevé, entre 1,45 et 1,50€ pour un litre de diesel en région parisienne et dans les grandes agglomérations. Entraîné par son élan, le gouvernement poursuit sa politique de convergence fiscale essence/diesel et maintient la pression contre le carburant désormais honni. En dépit des réserves formulées par les experts, le marché s’oriente donc vers le moteur électrique.

Le syndrome du contretemps

L’orientation actuelle vers le moteur électrique pose plusieurs problèmes non réglés. Le politique, souvent à contretemps de la technologie, feint d’ignorer ces obstacles sur la route du nouvel eldorado automobile :

– Les désormais célèbres terres rares, dont le cobalt indispensable pour fabriquer des batteries électriques, sont l’apanage de la Chine. Ainsi, quelques grands acteurs détiennent un monopole d’accès à ces nouvelles matières premières stratégiques. Nous en sommes fortement dépendants. Prenons un exemple simple : les autorités chinoises accueillent volontiers les industriels européens qui entendent profiter de la croissance de ce grand marché, à condition qu’ils s’approvisionnent en batteries électriques… auprès d’un fournisseur chinois. La clé du marché électrique est sous le capot des voitures. Dans ces conditions, il faut revoir la géographie du marché. La transition vers l’électrique consistera dans un premier temps à transférer une partie de notre industrie en Chine, sans doute au prix d’une casse sociale élevée.

– Le tremblement de terre sera d’autant plus douloureux que le changement de technologie induit des effets sociaux majeurs. Les experts du dossier, ceux qui travaillent vraiment sur la transition, annoncent que l’écart quantitatif de main-d’œuvre diesel/électrique est de 1 à 10. 10 salariés pour un moteur diesel, en incluant les sous-traitants, pour un homme seul sur un moteur électrique. 15 000 emplois sont concernés en France dans un premier temps (selon l’Observatoire de la Métallurgie), mais l’effet tsunami promet d’emporter des emplois connexes. Dans le plus grand silence, l’industrie automobile européenne a perdu plus de 100 000 emplois au cours des six derniers mois.

– Au sommet du diesel, début mars, les syndicats ont attiré l’attention des pouvoirs publics sur le risque social. Le moteur électrique consomme 90% de main-d’œuvre en moins (nous parlons bien de la seule motorisation). Dans les Yvelines, le premier département automobile de France, effet tsunami compris, 40 000 emplois sont menacés sur les 250 000 du secteur du diesel français. Le syndicat Force Ouvrière, très présent dans l’automobile, réclame une stratégie claire de l’État. Voulons-nous oui ou non maintenir un outil de production des moteurs diesel en France ?

FO Val de Seine réclame à juste titre la fin du yoyo réglementaire. Le secteur automobile emploie 9% des emplois directs et indirects de l’industrie, dans 4000 entreprises de toutes les tailles, et représente 155 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Les mensonges tuent la vérité technologique

L’industrie européenne du diesel s’est tiré une balle dans le pied. Ses mensonges ont réarmé les adversaires de la motorisation, à commencer par les écologistes et quelques ONG positionnées sur le « marché de la bonne santé » ! Volkswagen a menti, tout comme une partie des entreprises du secteur, de quoi passer par pertes et profits les progrès considérables de la motorisation au cours des quinze dernières années. Le diesel sera bientôt interdit en ville et très logiquement les ventes de véhicules neufs diesel ont chuté. Le journal Le Monde du mardi 12 mars 2019 relevait que « la part de cette motorisation est passée en France, entre 2012 et 2019, de 73 à 35% et en Europe de 55 à 36%. En 2020, elle pourrait tomber à 25%, voire à 5% en 2030, selon le cabinet Alix Partners ». Comme souvent, la vérité de la science n’est pas celle de la politique et le temps de l’innovation n’est pas celui de la décision publique. Le diesel a accompli une véritable révolution technologique. Les anciens diesels étaient nocifs pour l’environnement et la santé alors que les nouvelles motorisations sont dans l’immense majorité des cas plus vertueuses que les moteurs à essence. Neutralisation des émissions de NOX (oxyde d’azote), réduction de la consommation de carburants de 20 à 25% par rapport à un moteur à essence, le diesel a vaincu une grande partie de ses démons pour aboutir à des motorisations plus propres et plus efficaces. Et c’est au moment où ce travail d’amélioration aboutit enfin que nous abandonnerions le diesel pour privilégier une motorisation qui nous amène à renoncer à notre souveraineté industrielle ?

Le président de la Plateforme automobile Luc Chatel décrète un état d’alerte pour le secteur. Il appelle à soutenir la transition entre les deux modèles. Mais comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, le Parlement européen impose un calendrier de changement à marche forcée. Les constructeurs devront vendre 15% de véhicules hybrides ou électriques d’ici 2025. Pour parler clair, les injonctions politiques butent sur la faisabilité industrielle et sur le réseau des bornes de recharge. L’État s’est engagé à en installer 100 000 d’ici à 2022. Fin 2018, il en manquait encore 75 000 ! L’opinion a peut-être enterré trop vite la voiture, l’objet iconique du 20e siècle. La voiture est avant tout un outil de travail pour 75% des utilisateurs (selon l’Observatoire de la mobilité). Le mouvement social en France fin 2018 est venu rappeler que toute attaque contre les automobilistes est perçue à juste titre comme une restriction au droit d’aller et venir. L’Europe est confrontée à une vaste offensive de la Chine pour capter la valeur de son industrie automobile. Seuls les industriels sont à la manœuvre pour épargner l’outil de production et les emplois qui y sont attachés. Le gouvernement devrait prendre un peu de distance et s’interroger sur son rôle de régulateur et sur les incitations qu’il peut mettre en œuvre face à des adversaires externes déterminés à conduire à son terme la colonisation de notre industrie.

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